Interdite depuis octobre 1992 en France, l’aldrine n’a pourtant pas totalement disparue. Ses effets néfastes ne se sont pas stoppés au moment de son retrait. Retour sur un pesticide qui n’a pas fini de faire parler de lui.

 
 

Même sans contact direct, l’Arctique a été touchée par l’aldrine. Image du domaine public.

Largement utilisée dans les années 1950-1960, l’aldrine fait partie des douze polluants organiques persistants (POP) nocifs pour la santé et pour le milieu naturel. Il s’agit d’un pesticide de choix pour tuer les termites, les sauterelles, les vers racinaires du maïs, ainsi que d’autres insectes nuisibles. Mais c’est également un produit capable de tuer des oiseaux, des poissons et des êtres humains. Lors d’un incident, on pense que du riz traité avec de l’aldrine a causé la mort de centaines d’oiseaux aquatiques du littoral, ainsi que des passereaux sur la côte du Golf du Texas après que ceux-ci aient soit mangé des animaux qui avaient ingéré ce riz, soit consommé eux-mêmes ce riz, selon La convention de Stockholm. Chez l’être humain, cinq grammes sont suffisants pour tuer un adulte de sexe masculin. Selon des études indiennes, la consommation moyenne journalière d’aldrine, et de son sous-produit la dieldrine est d’environ 19 µg par personne.

 
 
 

Dès 1960, son caractère toxique, bioaccumulable et persistant dans l’environnement a poussé de nombreux pays à réduire leur consommation. Il faudra attendre octobre 1992 pour que sa vente ou son utilisation soit interdite en France. Mais comme nous avons pu le constater en recueillant le témoignage de Marie, son interdiction n’a pas marqué la fin de son règne. Si Marie a été « frappée d’apprendre qu’une substance toxique à laquelle le corps a été exposé il y a fort longtemps peut être repérée dans l’organisme et continuer d’exercer ses effets délétères », son cas n’est pas isolé. Et s’il est impossible de lier le virus de l’hépatite C (VHC) qui a contaminé Marie à l’aldrine, il est certain que « les POP provoquent des cancers, des allergies et une hypersensibilité, attaquent le système nerveux central et périphérique et perturbent la fonction reproductrice et le système immunitaire », selon le Programme des Nations Unis pour l’Environnement. En plus d’être destructrice pour les êtres humains, la faune et la flore, l’aldrine a la particularité de rester stable très longtemps et de voyager. Comment ? Grâce à son penchant pour les tissus adipeux des organismes vivants où leurs concentrations peuvent être jusqu’à 70 000 fois supérieures à leurs valeurs dans le milieu ambiant. Les êtres humains, les mammifères, les rapaces et les poissons sont des hôtes de choix. Leur position en haut de la chaîne alimentaire fait qu’ils absorbent les plus fortes concentrations de POP. Et pourquoi les POP se priveraient d’un voyage gratuit à bord de ces êtres vivants ? Voilà pourquoi des personnes et des animaux vivant dans des régions comme l’Arctique à des milliers de kilomètres de toute source importante peuvent héberger des POP dans leur organisme.

 
 

Sarah Belnez pour Sereni Magazine.