Le dossier des boues rouges, déversées depuis 1966 par l’usine d’alumine de Gardanne au large de Cassis, au cœur du Parc national des calanques, est délicat. Sereni vous donne quelques pistes pour parvenir à le comprendre.
L’affaire des boues rouges, c’est l’histoire de substances polluantes issues de l’extraction de l’alumine dans le sud-est de la France et rejetées dans la mer Méditerranée, au large de Cassis de 1966 à 2015. Les boues rouges sont caractérisées par une masse orange qui tapisse le fond de la mer dans le Parc national des Calanques, lieu de vie de dizaines d’espèces marines protégées, menacées ou rares depuis 2012. Ce procédé toxique, nous le devons à l’usine locale Alteo, située dans la ville de Gardanne, ainsi qu’au Gouvernement, qui autorise ces rejets. S’il est interdit de de déverser des boues rouges dans la mer depuis le 1er janvier 2016, l’entreprise est parvenue à obtenir des autorisations en modifiant son procédé. Mais les opposants d’Alteo continuent de dénoncer cette nouvelle formule qu’ils considèrent très polluante.
Des tonnes de produits polluants déversées
Alteo est le premier producteur au monde d’alumines de spécialité. Pour cette usine dotée du procédé Bayer, les principaux marchés sont les céramiques, les réfractaires, la chimie, les matières premières et l’ignifugation. L’alumine permet de créer de nombreux objets comme des écrans de smartphone, des bougies de voiture, des panneaux solaires, etc. Pour fournir ses clients, l’entreprise a une formule très simple qui consiste à chauffer avec de la soude une tonne de bauxite (roche qui donne couleur rouge orangée à la boue). Cette technique permet d’obtenir 500 kg d’alumine et 500 kg de déchets. Une partie est vendue tandis que l’autre est déversée dans la mer. La quantité de boues rouges déversée est estimée à 20 millions de tonnes en cinquante ans. Mais il aura fallu attendre 1993 pour qu’un institut indépendant se penche sur le cas des boues rouges, et dix années supplémentaires pour que son rapport soit rendu public. Depuis, plusieurs rapports ont vu le jour, comme une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) du 21 décembre 2015, réalisée à la demande du ministère de l’Environnement. Cette dernière a ainsi confirmé l’impact négatif des rejets sur les poissons.
Une pollution controversée
Afin de tempérer la situation, Alteo et ses défenseurs mettent en avant les centaines d’emplois en jeu. En effet, si l’entreprise met en danger plusieurs espèces animales et végétales, elle fait également vivre de nombreuses personnes. Pour les adversaires de l’entreprise, il ne faut pas mettre de côté les pêcheurs locaux qui font face à un environnement pollué et à une baisse de qualité et de quantité de poissons. Côté tourisme, la maire de Cassis espère que le cas Alteo n’impactera pas l’économie locale.
Si l’État a interdit le rejet de boues rouges le 1er janvier 2016, il a également autorisé Alteo à déverser en mer des eaux résiduelles issues du filtrage de ses déchets jusqu’en 2022. Une dérogation due aux efforts de l’entreprise qui a investi plusieurs millions d’euros pour des filtres-presses qui permettent de stopper les rejets solides. Mais le problème est toujours présent puisque les eaux résiduelles qui remplacent les rejets solides contiennent des taux de polluants supérieurs aux normes autorisées.
Après une manifestation d’associations et de riverains le samedi 1er octobre, Greenpeace a manifesté le samedi 15 octobre 2016 à Gardanne pour continuer d’alerter sur la situation. L’association demande l’arrêt complet de rejets toxiques en mer tant qu’Alteo ne trouvera pas une solution plus efficace.
Sarah Belnez pour Sereni Magazine.