Paule Lebrun, présidente et fondatrice de HO Rites de passage, une école québécoise de rites de passage qui se spécialise dans ce que les Anciens nommaient le «soul’s work», travail de l’âme.
HO Rites de passage est une école qui pense qu’on devrait repenser les rites sociaux actuels et créer une forme de réenchantement de la culture.
L’anthropologue Joseph Cambell disait que, dans la culture occidentale, il y a trop de logos – raison raisonnante – et pas assez de mythos – mythe, poésie, contact avec quelque chose qui est plus large que soi. HO Rites de passage crée du mythos, de l’enchantement. Mais pas sous formes de pensées magiques. Plutôt dans le sens de rester en contact avec le Mystère de vivre. Notre optique de fond c’est que la vie n’est pas un problème à résoudre mais un mystère à vivre. Cela change la vision du monde de manière radicale.
Notre société a perdu les rites initiatiques donc on se retrouve dans une culture de non-initiés. Nos leaders et chefs politiques n’ont pas été initiés non plus. On est comme une société d’éternels adolescents qui ont toujours besoin de plus de jouets. Il faut retrouver l’initiation.
HO Rites de passage propose des quêtes de vision – terme anthropologique pour parler d’un vieux rite amérindien où la personne en transition partait se retirer dans le désert, la forêt ou la montagne pendant trois jours et trois nuits, en jeûne, et s’offrait à la nature sauvage. Elle partait se refléter dans la nature sauvage pour trouver son vrai visage puis pour se reconnecter avec son rêve. CHez HO Rites de passage, on s’inspire de cette tradition et on la renouvelle.
On retrouve alors les vieilles formes de pèlerinage qui consistent à prier en marchant. On marche en silence et à chaque pas extérieur, je fais un pas à l’intérieur.
Depuis presque 10 ans, HO Rites de passage offre une formation de praticien en travail rituel. C’est un travail pionnier dans la culture actuelle. Cette offre s’adresse plutôt aux personnes qui sont déjà dans une autre forme de relation d’elle et qui ont le goût d’aborder la vie d’un point de vue plus poétique que psychologique.
Le principe du rite de passage, c’est une mort et une renaissance. L’anthropologue Arnold Van Gennep établit la structure universelle des rites de passage. On appelle ça mourir avant de mourir. C’est une mise en scène. Les rites de passage étaient très codés et ils comportaient toujours trois étapes majeures : la coupure – le moment où je me retire de ma communauté -, la période d’enseignement et l’expérience de survie, et le retour – les jeunes revenaient différents de leur voyage car on ne sort pas indemne d’une initiation.
Dans notre culture moderne, on n’a plus ces rites-là pour marquer les passages de la vie. Et c’est ce qui fait de nous des éternels adolescents. On est dans une culture « pure feu », c’est-à-dire une culture qui ne contrôle pas son agressivité. Tout ce retour du sacré et cette recherche de nouvelles formes de sacré dans la culture, c’est l’inconscient collectif qui dit qu’on ne peut pas vivre juste une vie à l’horizontal mais qu’on a à nouveau besoin d’une pensée verticale.
Cette transition se fait dans un moment de notre vie où on est entre deux périodes – en transition. En tant que guides, les membres de HO Rites de passage sont là pour donner un contenant sécuritaire mais c’est la personne qui part et qui va être avec elle-même pendant trois jours et trois nuits. C’est la personne elle-même qui va aller se rendre à quelque chose de plus grand. C’est très beau, très simple, très sobre et très puissant. Mais la personne ne doit se lancer dans cette aventure que si c’est le bon timing pour elle.
Très souvent, on est face à deux types de personnalités opposées. Ou les gens ne veulent pas de créations mais uniquement de la tradition, ou ils inventent n’importe quoi et ne se relient pas à la tradition. Ce que HO Rites de passage soutient, c’est cette rencontre entre la tradition et la création.
La grosse erreur commise dans notre société, c’est que la mort est complètement occultée. L’occultation de la mort est très liée à la perte de rite de passage dans la société. Parce que la nature même du rite de passage, c’est d’accepter la mort. Dans la pensée du rite de passage, la mort n’est pas l’opposé de la vie mais de la naissance. Et la vie inclut la mort. De plus en plus de chercheurs montrent que toutes les expériences de dépendances et d’addictions sont liées à l’absence de rites de passage dans notre société. En perdant ce rites de passage, nous avons perdu la pensée symbolique. On a perdu ce qu’on pourrait appeler l’âme – sans concept religieux. L’âme se nourrit de beauté, de silence, de rite, de rythme, de chant, de nature sauvage, de danse…
En conséquence, les taux de suicide chez les jeunes augmentent. Au Québec, il est très inquiétant.
Quand on veut mourir, il faut se poser la question ; « Qu’est-ce qui veut mourir en moi ? » Dans notre société, l’impulsion de mourir est complètement liée à l’impulsion de renaître. On est dans une culture où l’on sait tout – on sait les choses. Alors commencez par coucher tous vos « je sais » sur un lit de « je ne sais pas ». Parce que c’est dans le lit de « je ne sais pas » que se trouve un début de sagesse pour notre culture.
• Une vidéo SereniTV.