Les Upanishads sont les textes fondateurs de l’Advaita Vedânta : c’est là que se trouve la pensée non dualiste.
Les Upanishads sont la portion philosophique des Veda : leur thème est l’enseignement de la Vérité ultime et des moyens pour l’atteindre. Ils sont destinés à des étudiants déjà contemplatifs qui se consacrent à la quête spirituelle. Toute étude sérieuse du Vedânta inclut une étude de ces textes qui sont présentés ici.
Quelques généralités sur les Upanishads
Les Upanishads constituent la portion la plus philosophique des Veda. On considère qu’il y a une centaine d’upanishads (108), dont une douzaine sont considérées comme majeures car elles ont été commentées par les grands maîtres de la tradition indienne (Shankara, Madhva, Ramanuja….).
Leur thème est la Vérité suprême – le Brahman – ainsi que la voie pour atteindre la connaissance de cette vérité. Ces textes relève du domaine de la métaphysique car ils traitent de principes universels, du niveau absolu de l’existence, « de l’Etre en tant qu’Etre »…
Composés en sanskrit, dans un langage à la fois logique, poétique, mystique, suggestif, paradoxal et ésotérique, ces textes doivent faire l’objet d’une étude contemplative. Ils sont transmis par un maître à des disciples dont l’esprit a été préparé par l’étude des Ecritures et des pratiques spirituelles : des élèves dotés de discernement et de détachement dont l’esprit est devenu contemplatif, capable « de voler là où volent les aigles »… Les Upanishads s’adressent aux esprits en quête d’Absolu.
Qui a écrit les Upanishads ?
Les auteurs des mantra des Upanishad étaient les Rishis (littéralement les sages voyants) qui ont entendu un appel intérieur et sont partis à la recherche de la Vérité.
Mus par un profond détachement ils se sont retirés au coeur de majestueuses forêts ou au bord du Gange et là, avec un mental et un intellect hautement évolués, ils ont sondé leur cœur afin d’observer, d’analyser, de classifier et de connaître en eux-mêmes le pourquoi et le comment des rouages les plus intimes de l’homme psychologique et spirituel.
En effet, un espace de paix et de majesté est nécessaire pour que le véhicule du mental et de l’intellect puisse prendre de la vitesse et s’élever au-dessus des considérations matérielles et profanes. Quand vous avez un problème personnel à résoudre – par exemple : « Dois-je démissionner de mon emploi actuel ou non ? », que faites-vous ? Ne cherchez-vous pas un endroit silencieux et tranquille pour passer en revue mentalement le pour et le contre avant de prendre finalement une décision ? Si pour résoudre un problème matériel ordinaire il faut tant de solitude et de paix, c’est d’autant plus nécessaire pour pouvoir plonger en soi-même à la recherche de la source éternelle de la vie.
Ces maîtres étaient si sincèrement consacrés à leur poursuite de la Vérité, de façon si désintéressée qu’ils se sont, dans la joie exaltante de leur aventure divine, oubliés eux-mêmes ! Nous trouvons rarement l’identité de ces hommes mentionnée dans le corpus des Upanishads ; les auteurs sont presque tous inconnus ; ils ont, pour ainsi dire, oublié d’ajouter leurs signatures à leurs chefs-d’œuvre. Pour eux c’était uniquement la découverte qui importait, pas l’individu qui l’avait faite. Ils savaient que l’existence humaine, telle une bulle, ne dure que quelques années ; ils ont reconnu la vanité de se faire un nom et une réputation à titre individuel. Ils ont recherché l’immortalité non dans la mémoire des générations futures, mais sur le plan plus subtil de la Conscience éternelle.
Ces sages vivaient dans une liberté absolue, détachés de la vie mondaine. Leur perfection intérieure résidait dans la noblesse et la ferveur de leur esprit, la puissance de leur intellect et la force de leur détachement. Etant allés jusqu’au bout du renoncement, ils étaient en vérité les rois des rois. Les détails de leur grande découverte d’eux-mêmes n’étaient pas livrés à tous ; ils n’étaient donnés qu’à ceux dont le mental était prêt, qui étaient venus vers eux poussés par la soif de Connaissance. Nous remarquerons aussi que les enseignants, bien qu’ils divergent dans leurs expressions, leurs argumentations, leurs modes d’approche, sont tous, sans aucune exception, parvenus au même but divin.
Les Upanishad sont des révélations
Les Upanishad sont des révélations : en effet des sages ont eu dans leurs méditations la « révélation » de vérités éternelles, comme par exemple, Newton a « découvert » la loi de la gravité qui a existé de tous temps.
Ces sages montrent par leur exemple qu’un long processus de pratique, de contrôle et de discipline, amène l’esprit à s’élever jusqu’à appréhender les vérités les plus subtiles. Quand l’esprit s’élève ainsi, la faculté appelée intuition s’éveille en l’homme : la connaissance du principe ultime, de la vérité suprême, est une connaissance directe et intuitive. On ne peut imaginer ou déterminer la Vérité Absolue de façon rationnelle ; elle est expérimentée intuitivement, vérifiée subjectivement.
La transmission des Upanishads
Ces sages, après avoir atteint l’accomplisssement ultime, ont ensuite transmis leurs découvertes à la génération suivante par l’intermédiaire de leurs disciples ; ceux-ci, à leur tour, ont considérablement avancé sur le chemin menant à l’Inconnu. Les Upanishad ont été ainsi transmises par la chaîne ininterrompue des maîtres et des disciples, qui reste toujours vivante aujourd’hui (guru shishya parampara). L’accès à la signification profonde de ces textes nécessite en effet un accompagnement spirituel.
Les mantra des Upanishad n’expriment ni n’expliquent la Vérité directement, mais ils conduisent simplement en sa présence par ce qu’ils indiquent, par leurs significations secrètes, par tout ce qu’ils suggèrent. Nous avons donc toujours besoin des interprétations d’un maître pour comprendre pleinement la signification des Upanishad. Si nous nous contentons de les lire, même de nombreuses fois, toute la richesse et l’ampleur de leur sens ne nous seront pas révélées. Ces mantra sont réservés et secrets par nature.
Cela dit, pour recevoir l’enseignement, nous avons besoin aussi d’une énergie intérieure particulière. Cette énergie ne s’obtient qu’en menant une vie noble, en suivant les valeurs éthiques et saines.
Soyez bon. Faites le bien. Pratiquez régulièrement et quotidiennement votre méditation d’une demi-heure. Continuez à observer la maîtrise intelligente des sens. Puissions-nous tous, par Sa grâce, tressaillir au moins une fois de la joie que donne la Vérité de l’Upanishad !
OM TAT SAT !
L’art du commentaire
Comme cela vient d’être dit, les Ecritures sacrées ne sont pas des textes d’accès aisé, car ils essaient d’expliquer l’Inexplicable, de décrire l’Indescriptible. C’est pourquoi le langage dans lequel les Upanishads sont composées est à la fois logique, poétique, mystique, suggestif, paradoxal et ésotérique.
Pour étudier ces textes, le commentaire de maîtres est nécessaire. En Inde, l’art du commentaire reste vivant : tous les grands maîtres sont autorisés à donner sur les Ecritures un point de vue, un éclairage, une interprétation, à la lumière de leur propre expérience. Ainsi, au fil des siècles, tous les grands textes de la philosophie indienne ont été commentés, et c’est ce qui garde les Ecritures vivantes.
Dans la tradition indienne, les critères donnant une autorité à un commentaire sont les suivants :
– une maîtrise totale de la langue (en l’occurrence le sanskrit),
– une connaissance profonde de la pensée et de la philosophie indienne classique (darshanas),
– et une expérience de la vérité qui seule permet une compréhension du langagescriptual, souvent paradoxal, mystique, symbolique.
Sélection de mantras des Upanishads
Citations extraites des commentaires de Swami Chinmayananda
Mundaka Upanishad
« Lumineux, plus subtil que le plus subtil, cet Impérissable Brahman est la demeure du monde et de tout ce qui le peuple. Il est la vie, la parole, l’esprit, la Réalité, l’éternité. C’est le but à atteindre, Ô ami ! »
« Vraiment, tout ceci est l’Immortel brahman, devant, derrrière, à droite,et à gauche, en-dessous et au-dessus. Il est partout. Ce monde entier en vérité est le suprême brahman seul. »
« Ayant pris l’arc fourni par les Upanishad – la grande arme (l’équipement suprême) – et y avoir fixé la flèche rendu acérée par la méditation constante, après l’avoir lancée avec l’esprit fixé sur le Soi, frappe la cible, l’Immortel Brahman, Ô ami ! »
« Le OM est l’arc, l’esprit est la flèche et le Soi est dit être la cible. La cible doit être atteinte par celui qui est maître de lui-même. Ce qui frappe la cible devient, comme la flèche, un avec la cible, c’est-à-dire le Brahman. »
Ishavasya Upanishad
« Tout ceci, tout ce qui se meut dans l’univers, l’univers lui-même, doit être (est) imprégné (enveloppé) par le Seigneur. (…) »
Chandogya Upanishad
« Cet Etre qui est cette essence subtile, le monde entier l’a pour Âme. Cela est la vérité. C’est l’Âtman. Cela tu es, Ô Shvetaketu. »
Amrita Bindu Upanishad
« Une fois la dépendance à l’égard des objets des sens abandonnée, quand l’esprit est stabilisé dans le Cœur, il obtient la nature du Soi et donc la suprême demeure. »
« Le mental doit être restreint jusqu’à ce qu’il se dissolve dans le Cœur. Ceci est connaissance et méditation. Le reste est logique et élaboration verbale. »
Mandukya Upanishad (karika)
« Comme un tison, quand il est animé d’un mouvement, apparaît soit droit, soit tordu, etc., de même la Conscience, quand elle entre en vibration, apparaît se diviser en observateur et observé, etc ».
« Ce monde perçu de dualité caractérisée par la relation sujet-objet est véritablement un acte de l’esprit. L’esprit (du point de vue absolu) n’est jamais en contact avec aucun objet (puisqu’il est en essence le Soi). De ce fait, il est déclaré éternel et libre. »