Le Tantrisme est un courant spirituel non défini et non exclusif qui trouve son essence dans le shivaïsme, le jinisme et le bouddhisme tibétain. Ce n’est pas une religion différente, c’est un « système modelant secondaire ».


Petite Histoire du Tantrisme


La naissance du tantrisme est difficile à situer dans le temps. Dans son article nommé « le tantrisme  » parut en 1996 dans l’Encyclopædia Universalis, Padoux André, directeur de recherche au CNRS écrivait « La rareté des documents datables dont on dispose, surtout pour la période ancienne, ne permet pas de faire l’histoire du tantrisme». D’un autre côté, d’autres chercheurs ou auteurs se sont montrés très précis quant aux dates et au lieu de naissance du tantrisme.
Daniel Odier, spécialiste du bouddhisme et du tantrisme, enseignant a l’université de Californie, écrit dans son livre «Tantra, la dimension sacrée de l’érotisme  » que le tantrisme est « né il y a plus de sept mille ans dans la vallée de l’Indus ».
Comment croire l’un et remettre en question les propos d’un autre ? Ainsi, le tantrisme reste un courant pour le plus mystique de par son mystère et de par la magie qui entoure ses pratiques et ses principes.
Il s’inspire des livres sacrés du tantra, recueils d’origine hindoue.
On peut prétendre qu’il fut implanté en Inde puis au Népal, dans la vallée de Katmandou vers le VIème/VIIème siècle après JC. On va ainsi rencontrer des cultes tantriques dans les écoles shivaïtes ou shaktistes, dans le bouddhisme mahâyâna et dans le bouddhisme tibétain.
 
 


Comment définir le tantrisme, le tantra sans mots creux et sans notions trop superficielles ? Il est fort difficile de ne s’en tenir qu’à la parole, l’expérience parle d’elle même.
Beaucoup parleront de relations harmonieuses entre le corps et l’esprit, d’autres insisteront sur le côté positif et optimiste du tantrisme, enfin on parlera d’art de vivre. Nombreuses sont les définitions, et même si elles diffèrent plus ou moins les unes des autres dans la forme, elles se rejoignent sur bien des points et en cultivent le mystère.
Pierre Feuga, professeur de Yoga à Paris décrit le tantrisme comme « une voie de transmission intégrale de l’être humain » et Mircea Eliade, historien en théologie et romancier roumain le qualifie de « plus grandiose création spirituelle de l’Inde post-bouddhiste ».
Pierre Feuga met en relation le tantrisme avec les traditions antérieures du yoga, du vêdanta, du bouddhisme et du jaïnisme car selon lui leur but est commun : une certaine victoire sur la mort, le déconditionnement absolu de l’être, le dépassement de toute forme d’existence. Ces courants spirituels sont tous sources de libération pour l’être humain, ils sont l’idéal éternel d’une civilisation. Ce qui différencie le tantrisme des traditions antérieures serait l’élan révolutionnaire qu’il contient. En effet, rejeté, souvent mal compris sur son propre lieu de naissance, le tantrisme marque une rupture avec la tradition. Il est tout sauf tradition. Il ajoute un élan, un nouveau dynamisme, il est amoral (libertaire) et non immoral. Il ouvre l’esprit, les sens, les chakras, il veut que la réalité, que la vérité soit réalisée « dans et par le corps ».


Le tantrisme serait la voie pour l’homme qui veut surmonter la période noire que nous traversons actuellement, il serait le lien capable de mettre en relation l’homme et les Dieux, il est splendeur et émerveillement de la femme, un hommage au corps et à son union, il est le lien entre l’Esprit et la Nature, entre la terre et les cieux. Le tantrisme est d’essence purement magique et s’appuie sur la connaissance intuitive des forces naturelles, rejoignant ainsi le chamanisme, se représentant l’esprit dans toutes les espèces de vie, minérale, végétale ou animale.


Tantrisme et Sexualité


L’énergie sexuelle au lieu d’être le sujet d’un interdit comme dans beaucoup de traditions ascétiques, c’est-à-dire dans les religions chrétiennes, judaïques ou encore musulmanes, est au contraire intégrée, canalisée, transmuée, pour servir de moteur d’élévation.


Les hommes tantriques pratiquent l’injaculation, et les femmes tantriques canalisent leurs orgasmes jusqu’à atteindre des paroxysmes.
Le tantrisme propose d’utiliser les désirs au lieu de les combattre ou de vouloir les contrôler. Il est contraire à toute forme de puritanisme car il repose sur une prise de conscience de l’unité fondamentale de l’être humain, de l’unité du corps et de celle de l’esprit, en rapport avec l’univers.
En Inde, on trouve de multiples temples ornés de sculptures érotiques inimaginables en occident. Du nord au sud de l’Inde un culte est également rendu au Linga et à la Yoni, représentant les organes génitaux masculins et féminins.
Le tantrisme mêle érotisme et spiritualité et est devenu au cours des dix dernières années un sujet de fascination en Occident.
Aujourd’hui que le sexe n’est plus qu’un commerce, un outil de procréation ou un simple et banal problème de couples, le tantrisme ouvre une voie nouvelle aux occidentaux blasés et agressés que nous sommes. Il renouvelle l’image que l’on se faisait de la sexualité humaine.
Le sexe devient alors doux, magique, irréel et chargé de mystère, il devient oiseau voyageur, confident de l’homme et délicate source de plaisir.


« S’abandonnant au flot passionné
Montant et griffant,
Faisant sourdre un intense plaisir
Lacérant leurs corps avec ardeur,
Ils mettent fin à l’illusion
Dans cette dissolution de la dualité,
Par le goût du désir
Pendant l’expérience de l’identité,
Les amants goûtent à un plaisir
Inexprimable et jamais encore touché »


Tantrisme et Société


Selon les principes de base le tantrisme permet à la femme d’adopter une position égale à celle de l’homme, voir celle d’une initiatrice. Mais qu’en est-il vraiment de cette soit disante parité homme-femme dans le sexe ?
En dépit de la tradition tantriste les apparences sont bien trompeuses.
Bien que le culte de divinités féminines soit pratique courante en Inde, les femmes restent des êtres vivants et ne sont en aucun cas traitées comme des divinités. La société indienne maintient les femmes en position de soumission à l’homme du fait d’un certain puritanisme traditionnel. Une partie de la population rejette du reste le tantrisme de « la voie de la main gauche », c’est-à-dire des rites tantriques sexuels. « Réduire le tantrisme à la sexualité serait une aberration », met en garde Pierre Feuga. C’est pourtant le phénomène auquel nous sommes en train d’assister. Comme le Kama-sutra ou « Traité du Plaisir », le tantrisme se voit attribuer l’image d’un guide de techniques sexuelles auquel tout occidental peut accéder sur E-bay.
Le tantrisme est bien plus que cela.
C’est une approche mystique et spirituelle d’un phénomène naturel : le sexe.
Son côté commercial a été mis en avant au cours des années passées sûrement du fait de son côté traditionnel souvent inadapté au public occidental de masse. « (…) si j’enseigne, la métaphysique et la cosmologie tantrique, au bout d’un quart d’heure, tout le monde s’endort », précise Pierre Feuga.
Pour faire connaître une doctrine telle que le tantrisme, le yoga ou même comme le bouddhisme il y a de ça 40 ans, une adaptation douce et progressive doit souvent être effectuée.
L’Europe, par exemple, ne peut se réveiller et voir que le monde a changé en une nuit. Mais le monde ne peut pas non plus fermer les yeux sur les aspects de la doctrine et les rouvrir sur d’autres qui leur conviendraient mieux.
Traiter du tantrisme et ne parler que de techniques sexuelles serait une offense et une grande erreur.
 
 


Le tantrisme permet à l’homme de s’échapper du conditionnement de la société dans laquelle il évolue. Il lui permet de s’interroger sur lui-même et sur son rôle dans l’univers, représentant alors un véritable travail sur soi.
Le tantrisme est une voie de secours qui compte de plus en plus d’adeptes dans le monde entier. Il est libération et respect de l’union entre deux êtres.
Il est douceur, il est ardeur et plaisir, il est doux mélange entre spiritualité, magie et délicatesse.


Adeline Journet pour www.sereni.org